La Symphonie Pastorale by Andre Gide

La Symphonie Pastorale by Andre Gide

Auteur:Andre Gide [Gide, Andre]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Ebooks libres et gratuits
Publié: 2011-05-22T07:34:16+00:00


10 mars.

Notre maison est si petite que nous sommes obligés de vivre un peu les uns sur les autres, ce qui est assez gênant parfois pour mon travail, bien que j’aie réservé au premier une petite pièce où je puisse me retirer et recevoir mes visites ; gênant surtout lorsque je veux parler à l’un des miens en particulier, sans pourtant donner à l’entretien une allure trop solennelle comme il adviendrait dans cette sorte de parloir que les enfants appellent en plaisantant : le Lieu saint, où il leur est défendu d’entrer ; mais ce même matin Jacques était parti pour Neuchâtel, où il devait acheter ses chaussures d’excursionniste, et, comme il faisait très beau, les enfants, après déjeuner, sortirent avec Gertrude, que tout à la fois ils conduisent et qui les conduit. (J’ai plaisir à remarquer ici que Charlotte est particulièrement attentionnée avec elle.) Je me trouvai donc tout naturellement seul avec Amélie à l’heure du thé, que nous prenons toujours dans la salle commune. C’était ce que je désirais, car il me tardait de lui parler. Il m’arrive si rarement d’être en tête à tête avec elle que je me sentais comme timide, et l’importance de ce que j’avais à lui dire me troublait, comme s’il se fût agi, non des aveux de Jacques, mais des miens propres. J’éprouvais aussi, devant que de parler, à quel point deux êtres, vivant somme toute de la même vie, et qui s’aiment, peuvent rester (ou devenir) l’un pour l’autre énigmatiques et emmurés ; les paroles, dans ce cas, soit celles que nous adressons à l’autre, soit celles que l’autre nous adresse, sonnent plaintivement comme des coups de sonde pour nous avertir de la résistance de cette cloison séparatrice et qui, si l’on n’y veille, risque d’aller s’épaississant…

– Jacques m’a parlé hier soir et ce matin, commençai-je, tandis qu’elle versait le thé ; et ma voix était aussi tremblante que celle de Jacques hier était assurée. Il m’a parlé de son amour pour Gertrude.

– Il a bien fait de t’en parler, dit-elle sans me regarder et en continuant son travail de ménagère, comme si je lui annonçais une chose toute naturelle, ou plutôt comme si je ne lui apprenais rien.

– Il m’a dit son désir de l’épouser ; sa résolution…

– C’était à prévoir, murmura-t-elle en haussant légèrement les épaules.

– Alors tu t’en doutais ? fis-je un peu nerveusement.

– On voyait venir cela depuis longtemps. Mais c’est un genre de choses que les hommes ne savent pas remarquer.

Comme il n’eût servi à rien de protester, et que du reste il y avait peut-être un peu de vrai dans sa repartie, j’objectai simplement :

– Dans ce cas, tu aurais bien pu m’avertir.

Elle eut ce sourire un peu crispé du coin de la lèvre, par quoi elle accompagne parfois et protège ses réticences, et en hochant la tête obliquement :

– S’il fallait que je t’avertisse de tout ce que tu ne sais pas remarquer !

Que signifiait cette insinuation ? C’est ce que je ne savais



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